A propos
A propos
Artiste peintre en galeries et autres lieux inspirants, j'interroge le point de vue - et la pérennité du regard - sur l'oeuvre. Mes médiums : papier, pigments, toile mais aussi les matériaux et techniques diffusant la lumière. L'échelle humaine est mon fil conducteur.
Je souhaite, en m'associant à des partenaires issus de divers domaines de compétences, trouver des moyens innovants pour élargir le champs des possibles et continuer à construire des projets d'envergure.
Biographie
Première partie : Lignes de construction
Anik Legoupil est née en 1972 à Rennes où elle obtient un BAC spécialité arts plastiques . Elle poursuit ses études par deux années à la Faculté d'arts plastiques puis de lettres option japonais. Parallèlement, elle forme en arts plastiques des jeunes en difficultés. De 1991 à 1993, Anik Legoupil se réoriente vers l'apprentissage du dessin textile d’ameublement auprès de B. Even (designer), ce qui lui permet de réaliser et de vendre des maquettes en Allemagne et Belgique.
C'est en 1993 que son destin va changer puisqu'elle entreprend un voyage au Japon. Elle y enseignera le Français pendant 2 ans et continuera de créer des maquettes textiles, notamment pour Suminoe et Nishikawa.
C'est en 1994, après avoir été mannequin et modèle pour les artistes, que Anik Legoupil, réalise sa première exposition collective à Tokyo, Meguro, sur le thème du nu.
Un an plus tard, elle expose pour la première fois en solo avec "Au delà des pluies cosmiques" à la 9bidou Gallery, Ginza, Tokyo. Les exposition individuelles s’enchaînent dès lors, Elamplitude, Dan Gallery, Shibuya, Tokyo (1995) - Sillonner, Tokyo Design Center (1996) - Anik Legoupil, Ecole des Beaux Arts, Tokyo (1996).
C'est également durant cette période, qu'elle sillonne l'Asie et le Pacifique afin de poursuivre ses recherches plastique sur l’usage des encres et des cires sur washi (papier asiatique).
En 1996, elle revient s'installer dans sa région natale, la Bretagne où elle décide de louer une maison-atelier pour se consacrer à son travaille sur la notion de racines. Elle interviendra notamment dans différents ateliers sur la fabrication de papiers, de création d’origami et Haïku et d'installations. De 1997 à 2000, Anik Legoupil étudie l'art et la médiation thérapeutique à l'université et réalise un mémoire intitulé : "Un atelier papier à l’égard d’une jeunesse déchirée – Recyclage ", et des stages au CHS de Rennes.
Anik Legoupil expose dans différents lieux notamment à la Maison internationale de Rennes (1998), dans des halls, dans des bibliothèques, etc, en Bretagne et en région parisienne. En parallèle elle crée l’association Avec Papiers et l’ACCES (L’Art Comme Chemins d’Ecoute et de Soin) ainsi qu'une série d’émissions radio sur l’art-thérapie, RPV, St Malo.
Elle interviendra en tant que conférencière à Paris 7, pratiquera l’art-thérapie et la médiation collective et individuelle sur le modelage et la peinture ; les ateliers papiers dans un but artistique et thérapeutique. Dans ses recherches personnelles, Anik Legoupil introduit le cadre du tamis comme un cadre originel ainsi que des vêtements entiers ou partiels.
En 2004, elle commence sa série "L’Abîme comme fenêtre" qu'elle poursuit en 2011. Elle continu à exposer son travail et renforce son engagement associatif.
Depuis juillet 2011, Anik Legoupil est représentée par la galerie Visio Dell’arte.
Seconde partie : fils conducteurs
De la Bretagne au Japon, seuls quelques océans et quelques montagnes séparent ces deux terres de culture et de tradition que l’artiste franchit aisément. Anik Legoupil a toujours éprouvé un attachement particulier pour l’Asie et après ses études d’arts plastiques à Rennes, elle décide en 1993 de s’installer au Japon, sans doute une des étapes décisives dans l’évolution de sa démarche artistique. Apprentissage du travail de la matière, papiers, huiles et cires, auprès de maîtres, recherche sur la transmutation contemporaine des matériaux traditionnels, washi, origami, kirigami…
De retour d’Asie pour la Bretagne milieu des années 90, il lui semble désormais « inapproprié de travailler à partir de papiers japonais. » La matière de son travail est reliée aux lieux, aux temps et situations dans lesquels elle se trouve. La nécessité s’impose alors de fabriquer son propre papier à partir de plantes indigènes françaises. Ce besoin, comme elle le dit, de retrouver ses racines, de : « repartir de l’origine de sa terre en replantant des végétaux pour faire son propre papier » .
Cette quête des racines trouve alors force et vigueur dans le travail de la texture même du papier.
« …le papier m’est toujours apparu comme entité vivante, singulière mais familière. Des crayonnés et des pastels secs disséminés dans le duveteux du Canson durant mon enfance, aux encres diffusées dans les fibres du Washi lors de mon passage à l’âge adulte, le papier m’a littéralement transporté… ».
Autre matière utilisée aussi, le textile, avec la fibre et le fil. L’importance du fil conducteur, qui enveloppe comme un vêtement ou se déroule comme celui d’Ariane. Réminiscence peut-être de ses créations auprès des maisons textiles japonaises, ce fil devient aussi un symbole, fil de la mémoire que l’artiste s’emploie à dévider et à contraindre pour structurer son travail et donner une cohérence à ses tableaux.
Ainsi, se rencontrent le fil du papier et la trame du tissu, la trame du papier et le fil du tissu, superposition, juxtaposition, coexistence de ces deux matières qui nous enchantent par le traitement qu’elle impose à leur texture et à leurs colorations.
L’autre quête de l’artiste n’est pas sans évoquer celle des maîtres verriers de l’époque médiévale ou des tailleurs de pierres précieuses, la recherche de la lumière. Avec sa puissance de réflexion et ses jeux d’optique, la lumière permet en effet de dilater l’espace. Anik Legoupil l’a bien compris, qui utilise les effets de trame, tamis et bordures, non pour borner ses tableaux mais pour permettre cette diffraction de la lumière dans l’évolution de ses œuvres.
Supports, lumière, transparence
A l’aube de son travail, matière et cadre fusionnent puis s’en dégage progressivement une trame, le « Tamis » qui structure l’œuvre et lui donne progressivement corps. Enfin le cadre apparaît qui, selon les termes de l’artiste, devient « l’ossature fondamentale du travail ». Le passage progressif au support entoilé la laisse tout d’abord insatisfaite car s’efface aussi l’idée de transparence. Elle éprouve la nécessité de réinventer et de se réapproprier ce nouveau support, car dit-elle, « la perte du tamis m’était inconcevable ». Elle décide de transfigurer le châssis entoilé en y apposant papiers et tissage de telle sorte que la trame de fond retravaillée s’exprime désormais à l’unisson avec le corps de la matière. Le grossissement de la trame devient alors comme « un fenêtrage précis, mais néanmoins variable » et les tracés à l’encre japonaise « texturent le premier plan ». Ce travail donnera naissance à la série « l’Abîme comme fenêtre » débutée en 2007.
La trame noire de la série « L’Abîme comme fenêtre » tient plus de l’ombre portée que des lignes d’un cadre, comme une invite à poser son regard au-delà. La composition se dégage ainsi de l’architecture du tableau, s’en affranchit et l’œuvre s’anime parce qu‘elle nous happe.
« j’aborde le vide par la matière noire, la mémoire sélective ou défaillante, par le pêle-mêle de papiers importants, constituant un paysage toujours organisé ».
« l’Abîme comme fenêtre » est à mettre en parallèle avec la création de sa toute dernière série intitulée « Sillons lumineux », possible mise en miroir des deux séries comme les deux facettes d’un même objet.
Si « L’Abîme comme fenêtre » peut être tenue pour une œuvre au noir, dans « Sillons Lumineux » transparaît plutôt une œuvre de lumière. La matière y est en creux, presque sculptée, œuvre en blanc, rehaussée de teintes irisées ou pailletées dans laquelle le sillon sert de fil directeur qui relie tout à la fois la matière et l’esprit.
« Composée de papiers préalablement peints à l’encre ou à l’huile pigmentée, je grave les sillons de telle manière que le blanc duveteux du papier resurgit ».
Le quadrillage de la trame, omniprésent dans l’œuvre tout entière de l’artiste est également là mais cette fois-ci comme un tout rassembleur et non pas comme fragmentation de l’espace.
La série des « Sillons Lumineux » commencée en 2007 se poursuit aujourd’hui.
Inscrites dans une démarche artistique évolutive, les « séries » appartiennent à des cycles qui se clôturent pour mieux s’ouvrir sur d’autres perspectives mais toujours dans le même cheminement. Matière créée, recréée, façonnée dans un long dialogue entre l’artiste et son matériau qu’elle prend en corps à corps, fouille, creuse, épuise pour révéler la forme première, l’origine. Le travail de la matière comme résonance de soi car « on ne peut prétendre qu’à ce qui part de soi et parle de soi ».
Elle grave sa signature dans le relief et le creux de son travail, traçant un sillon net et précis comme le A d’Anik mais aussi le A d’Alexandre, ce grand-père qui compte encore beaucoup dans la mémoire de l’artiste. Anik Legoupil considère qu’à partir du moment où une œuvre est signée, elle lui échappe et doit prendre sa vie propre. Est-ce qu’on crée aussi l’œuvre pour lui donner sa liberté et que par elle, au lieu d’une vie, l’artiste puisse en avoir plusieurs ?
Paradoxe aussi de ces œuvres à base de matériaux traditionnels fragiles et délicats, qui se trouvent renforcés par les épreuves et les traitements que l’artiste leur fait subir. Transformées elles deviennent objet pérenne et désormais non fragile. Travaillant d’abord les petits formats pour des raisons techniques, Anik Legoupil les a depuis modulés pour créer maintenant de grands, voire de très grands formats.
Par la transformation originale de matériaux traditionnels, par sa démarche profonde et singulière, « N’importe lequel de mes tableaux n’est qu’un modeste témoignage, juste un extrait, mais un extrait choisi… », Anik Legoupil crée une œuvre véritable, une œuvre de longue haleine, de celle des grands artistes.
Monique Bollon-Mourier, Ecrivain, Muséologue, Anthropologue -Université Lyon 2